La deuxième journée en montagne est encore plus dure que la première. Nat est vraiment épuisé. Il fait de plus en plus froid, et le chemin est de plus en plus compliqué. Ils doivent parfois escalader de hautes parois rocheuses. Les trois garçons se sont encordés pour plus de sécurité. Nat au milieu des deux jumeaux. Et heureusement ! Plusieurs fois, Nat a perdu pied et aurait dévalé la pente s’il n’avait pas été retenu par la corde. La fatigue et le manque d’air sont très durs à supporter pour Nat. Sans parler de la neige qui recouvre le paysage petit à petit.
Le soir, après s’être installé dans un espace abrité et allumé le feu, les garçons discutent un peu :
- On est à peu près dans les temps, tu t’en sors très bien Nat dis Nico.
- Ah tu trouves ? Pourtant j’en peux plus. Je n’ai jamais autant marché de ma vie.
- Je t’assure, reprend Darius. On n’aurait pas fait beaucoup plus vite si on avait été que tous les deux. Mais demain sera la journée la plus dure. On aura moins de chemin à parcourir et si tout se passe bien on pourra passer la nuit ici demain soir. On est quasiment arrivés en fait. Mais la fin du parcours ne sera presque que de l’escalade. La montée et la redescente devrait nous prendre la journée. Il faudra faire très attention aux éboulements qui sont fréquents par ici.
- Alors je vais aller me coucher rapidement, dis Nat. J’espère être suffisamment en forme demain.
Le lendemain, ils entament la dernière ascension et comme prévu, c’est une côte abrupte et rocailleuse qui s’ouvre devant eux. Nat est toujours encordé entre Nico et Darius, et trouve que l’endroit est très bizarre. Les rochers sont tous plus ou moins ronds et plus ou moins gros. Nat n’a jamais vu ce genre de formation rocheuse lors des balades en montagne qu’il a déjà fait avec ses parents. Une fine couche de neige recouvre tout le paysage.
Au moment où il ouvre la bouche pour poser la question aux jumeaux, le sol se met à trembler. Une demi-douzaine de rochers gros comme des pastèques dévalent la pente vers eux. Les trois garçons les évitent de justesse. Nat, au milieu du vacarme assourdissant des rochers semble entendre un son, comme si quelqu’un criait de joie « ouéééééééééééé ». Il se dit que c’est probablement une erreur, ou que c’est juste le vent qui a fait ce bruit.
- C’est pas passé loin ! dis Nico
Et à ce moment, leurs trois têtes se tournent vers un nouveau bruit d’éboulement, un rocher trois fois plus gros fonce vers eux. Nat voit bien qu’il ne pourront pas l’éviter. En une fraction de seconde, il prend une décision. Il pousse Nico qui était devant lui pour lui passer devant et s’interpose devant le rocher. Il se met en position et active sa feuille bouclier qu’il avait gardé enveloppé autour de son bras. Le choc est terrible, mais le rocher est stoppé net dans sa course.
Les jumeaux n’en croient pas leurs yeux. Ils remercient Nat et commencent à lui poser plein de questions sur son bouclier. Nat essaye d’esquiver un peu les questions pour ne pas trop leur en dire mais c’est une autre voix qui va dans tous les cas compromettre le secret de Nat.
- Mais pourquoi m’as-tu arrêté ? Dis la voix très aiguë qui semble venir de derrière le rocher.
Nat essaye de voir qui lui a parlé et demande aux deux jumeaux si ils ont vu ou entendu quelque chose mais ils ne semblent n’avoir rien entendu. La voix retenti à nouveau plus fort.
- Dis tu m’entends ? pourquoi tu m’as arrêté ? J’allais faire un super temps !
Nat se rend compte que c’est le rocher qu’il vient d’arrêter qui a parlé. Pourtant, il ne voit ni bouche, ni visage. Juste un énorme caillou qui lui parle.
- C’est toi qui me parle ? demande Nat ? le rocher ?
- Je ne suis pas un rocher ! je suis un Pierrelin.
- Un Pierrelin ? Qu’est-ce que c’est ?
Les jumeaux qui observaient Nat et qui étaient en train de se demander s’il n’était pas devenu fou à parler comme ça à un rocher qui ne lui répondait évidemment pas (ils ne l’entendaient pas lui parler), réagissent au moment où Nat prononce le mot Pierrelin. Les Pierrelins sont des êtres magiques bien connus dans les légendes de leur village.
Le Pierrelin reprend :
- Eh bien, nous sommes le peuple des rochers. Tu ne nous connais pas ?
- Non je viens d’un autre monde, répond Nat sans réfléchir. Les jumeaux n’en croient pas leurs oreilles. Nat se rend compte qu’il n’a plus trop le choix, il va devoir leur expliquer toute l’histoire. Le Pierrelin, lui, ne semble pas étonné et continue :
- Je disais que tu m’as arrêté dans ma course, mais pourquoi donc ?
- Tu allais nous renverser, j’ai eu peur pour mes amis.
- Ah, je ne vous avais pas vu c’est vrai, excuse-moi. Mais je faisais la course avec mes frères et je pensais pouvoir les rattraper. Tu les as vu passer ?
- Oui ils ont failli nous écraser aussi.
Nat se rend compte que le gros rocher n’est en fait qu’un enfant. Il doit avoir l’équivalent de 5 ans humains. Les plus petits rochers qui sont passés avant devaient être encore plus jeunes. La discussion se poursuit. Nat apprends que les Pierrelins mettent des semaines à remonter la pente pour jouer à leur jeu. Mais il comprends aussi qu’ils vivent beaucoup plus longtemps que les humains.
Nat en profite pour demander au Pierrelin si il a vu des Pensées des glaces un peu plus haut et après lui avoir expliqué ce que c’est, le Pierrelin lui dit qu’il connaît un endroit où il en pousse plein. Il lui indique cet endroit et Nat le remercie. Ils se disent au revoir et les trois garçons reprennent leur chemin en direction des Pensées des glaces. Évidemment les jumeaux bombardent Nat de questions :
- Tu viens d’un autre monde ? Tu as parlé à un Pierrelin ? Tu as un bouclier magique ? Dis-nous tout, on meurt d’envie de tout savoir !!
L’enthousiasme des garçons est communicatif et Nat finit par leur raconter toute l’aventure depuis le début. Il leur parle des pirates, des dragons, d’Elianor, de sa mission donnée par Corallion.
Le temps passe vite en discutant et les garçons arrivent rapidement à l’endroit indiqué par le Pierrelin. Et c’est un champ de Pensées des glaces qu’ils trouvent là. Les garçons en ramasse un bon paquet qu’ils stockent dans le panier prévu pour. Et c’est toujours en discutant qu’ils redescendent la montagne.
C’est également toujours en discutant qu’ils retrouvent leur campement pour la nuit. Les jumeaux ne tarissent pas de questions et veulent tout savoir. Les trois garçons s’endormiront très tard ce soir-là, épuisés d’avoir discuté.